Contexte

Un nouveau virus se répand à travers le monde et finit par provoquer une épidémie en France. Le gouvernement prend alors des mesures extraordinaires en imposant un confinement et en interdisant les cultes. Evidemment, cela touche directement le catholique. Il apparaît alors que nous devons étudier le rapport que nous avons aux lois et, d’une manière générale, la bonne manière de réagir.

Nous sommes dans une situation habituelle en morale :

  • les œuvres humaines sont imparfaites, seul Dieu est parfait ;
  • il est impossible de prédire le futur, seul Dieu en est maître ;
  • après coup, nous pouvons uniquement connaître les conséquences de ce que nous avons fait, et non de ce qui aurait pu être fait.

Il n’est ainsi pas possible d’établir des règles ou des principes à partir d’hypothèses. Par exemple, il est impossible de savoir si le confinement était nécessaire, puisque l’on ne peut pas savoir quelles auraient été les conséquences sans confinement. Il faut accepter humblement que nous ne sachions pas exactement ce qu’il faut faire et donc qu’il faille réagir en fonction des risques.

 

Petit rappel sur la prudence

La prudence doit diriger toutes nos actions par principe, car elle est la droite raison dans l’agir, c’est-à-dire que c’est une vertu intellectuelle dans son mode spéculatif, et pratique dans son application. Ce n’est donc pas une vertu morale à part entière. Il faut ainsi revenir aux fondements de cette vertu.

Les fondements de la prudence sont intellectuels, pour être clair : la prudence dépendra de la connaissance, de ce qui est présent à notre raison, des éléments que nous connaissons en acte. « L’intellect est dit spéculatif quand il ne cherche qu’à savoir, comprendre et contempler la vérité […] son objet est la vérité en elle-même et pour elle-même. »R. Verneaux, *Philosophie de l’homme*, p. 120. (cf. *Somme théologique* Ia, 79, 1)

Mais la prudence a une finalité pratique. « L’intellect est dit pratique quand il vise à diriger l’action. Son objet est le bien en tant que connaissable et non en tant que désirable, qui est l’objet de la volonté »Ibidem

Ainsi, sans connaissance rationnelle et objective des faits, et sans pratique correspondante, nulle réelle prudence n’est possible. Ce qui disqualifie d’emblée la majeur partie de la population, qui ne peut en fin de compte que s’en remettre aux informations officielles, d’autant plus qu’elles émanent de pays bien différents autant que divergents dans leurs politiques.

 

Constats

  • Le virus est d’autant plus néfaste que la personne est plus fragile, à cause de l’âge et ou de maladies. Lorsque les hôpitaux sont saturés, les personnes les plus fragiles ne sont plus soignées. Une personne malade qui arrive dans un hôpital saturé et qui a besoin de soins intensifs va donc :

    • d’une certaine manière, prendre la place d’une personne plus fragile qui ne sera pas soignée et mourra ;
    • avoir des séquelles plus au moins graves, qui peuvent durer très longtemps, voire être mortelles (asthénie, complications cardiovasculaires, rénales et neurologiques, fibrose pulmonaire, barotraumatisme, stress post-traumatique, etc.)
  • Selon les dire officiels, les nouvelles lois sanitaires prises dans le cadre de la pandémie ont été établies pour protéger la population et sont en concordance avec ce que la plupart des pays atteints ont fait.

 

Loi de l’État ou loi de l’Église, laquelle suivre ?

Une obéissance est normalement due aux autorités civiles, à moins que l’ordre ne contrevienne au bien commun ou à une loi de l’Église catholique. Le point essentiel qui pose ici un problème est l’interdiction d’assister à la messe. Celle-ci étant obligatoire les dimanches et les jours de fêtes mentionnés dans le concordat, il semble donc que la loi de l’État contrevienne à la loi de l’Église.

Or, l’Église prévoit toujours qu’il puisse y avoir des cas d’exception : “nécessité fait loi”.

La question qu’on peut se poser est la suivante : la situation sanitaire en France est-elle si grave que la loi de l’État suspende une loi de l’Église en vue du bien commun ?

Bien que relatif par rapport à la peste noire, le risque sanitaire lié à l’épidémie de coronavirus est réel. Pouvons-nous risquer de sacrifier toutes ces vies, celles des personnes fragiles, de ceux qui n’ont tout simplement pas de chance, ou encore de ces vieillards qui ont combattu et travaillé pour la France ? Pouvons-nous prendre un tel risque alors que paradoxalement, notre milieu combat l’euthanasie des plus fragiles ? Pouvons-nous sciemment ne pas prendre les moyens d’éviter tous ces morts ou même tous ces malades ? Pouvons-nous, par imprudence ou esprit de désobéissance, ne pas respecter les consignes sanitaires et risquer de contaminer les fidèles (dont certains fragiles et/ou âgés) et les prêtres ? Pouvons-nous prendre un tel risque ?

Il nous semble que la réponse est non et donc que les lois prises par le gouvernement vont dans le sens d’un certain bien commun et ne contreviennent pas aux obligations religieuses étant donnée la situation exceptionnelle. Sans certitude sur les solutions ni l’évolution de la maladie, le chef de l’Etat a confiné les Français, comme dans de nombreux pays du monde, puis a imposé des consignes sanitaires. Il nous semble que personne ne puisse y déroger sans contrevenir au bien commun.

Nous ne discutons pas ici des causes, peut-être évitables, qui ont mené au confinement, mais de l’attitude envers celui-ci.

 

Conséquence à la FSSPX

  • Chaque prieuré de la FSSPX a pris ses propres mesures, à sa manière. Il est ainsi vite apparu dans certains lieux une distanciation vis-à-vis des lois, c’est-à-dire que les prieurés ne les ont pas forcément respectées. C’est donc d’abord un problème d’ordre et de discipline, soit de la part de la hiérarchie traditionaliste, soit individuellement selon les localités.
  • À certains endroits, le risque de contaminer les personnes fragiles et les prêtres était important, ce qui constitue un vrai danger pour la vie spirituelle des paroissiens.
  • Mauvais exemple, voire motif de scandale, notamment à cause des articles dans les journaux.
  • Aujourd’hui, à l’heure du déconfinement et de la réouverture des lieux de cultes, les consignes ne sont pas respectées partout. Pourtant, qu’est-ce que coûte réellement un petit morceau de tissu sur le visage ? Faut-il prendre le risque de fermer une chapelle ou une école ? Donner le bâton pour se faire battre ?

 

Conclusion

Que penser alors de la désobéissance de certains membres de nos milieux, autant clercs que laïcs, aux consignes sanitaires ? Si l’Église prévoit qu’il faille s’adapter aux situations et ne pas suivre les lois ordinaires dans les cas exceptionnels, il n’y a pas de raison de faire autrement avec le coronavirus. Ne soyons pas désobéissants par nature, mais uniquement quand c’est nécessaire. Les traditionalistes deviendraient-ils, dans le fond, incapables de suivre une simple directive ? À force d’être dans la réaction permanente, le milieu ressemble davantage à un amas de protestants individualistes préoccupés uniquement par un bien particulier illusoire, qu’à une communauté de catholiques liés entre eux par l’amour et la poursuite effective du bien commun. L’inaction constante et généralisée entraîne la perte de la notion de réalité et par conséquence l’impossibilité de développer la vertu de prudence. Nous faisons exactement le jeu du Système. Et ceux qui croient le braver en outrepassant les lois, ne font en réalité que le renforcer.

 

Jean Tollmache et Elodie Doiseau Pour Stageiritès



Notes

  1. R. Verneaux, *Philosophie de l’homme*, p. 120. (cf. *Somme théologique* Ia, 79, 1)
  2. Ibidem